charlotte beltzung
Camille Martin à propos de l'exposition Entrées par la fenêtre, aux ateliers Paul Fleury à Montreuil, novembre 2019.

La fenêtre du titre de l’exposition est celle de l’atelier d’Antoine, celle qui s’ouvre sur un monde, secret et miniature,
composé des sculptures de Charlotte, Clotilde et Evelise.
Les œuvres se mêlent à la verdure du jardin. Des plantes hybrides se confondent avec les espèces végétales ;
Des abris et d’autres architectures s’érigent en équilibre avec la nature ; Des micro-paysages se lisent avec la subtilité
de la lumière et des ombres créées.
Les amateurs de littérature et de cinéma fantastique imagineront aisément des petits êtres mythiques habiter les lieux.
On remarquera d’ailleurs dans l’exposition, d’étranges présences, de minuscules créatures en chewing-gum, un pied de Golem.
Ces romans et films épiques donnent aux paysages, aux minéraux, aux végétaux et aux animaux une importance notable dans
le récit. Le monde, dans lequel évolue le héros, est un personnage à part entière : la nature est dotée d’une grande force, parfois
elle se venge ou fait preuve d’indulgence. Dans ces univers fantastiques, la personnification des éléments naturels résulte d’une grande sensibilité à l’environnement. Cette écoute et l’envie de “réentendre le monde, réentendre parler les choses de la nature”, pour reprendre les termes de Marielle Macé, sont sensibles dans les travaux de Charlotte, Clotilde et Evelise.
C’est certainement de cet attention pour le vivant que vient le caractère magique et précieux des pièces présentées ;
Et le travail de la terre, à l’origine de l’invitation à Montreuil, y participe, non sans symbolisme.




Cathy Crochemar à propos de l'exposition Entrées par la fenêtre,, aux ateliers Paul Fleury à Montreuil, novembre 2019.

Les ateliers de Paul Fleury se situent à Montreuil, ils s’étendent sur 600 m2. Cet espace labyrinthique se consacre à la sculpture. Pour accéder à l’atelier d’Antoine Medes, il faut traverser le jardin, franchir la baie vitrée, arriver dans le hall et tourner à gauche.
Il est également possible de passer par la fenêtre.
L’invitation est le fil conducteur de l’exposition. Cette action est inhérente à chaque étape de sa conception. Tour à tour,
Clotilde Deschamps-Prince, Charlotte Beltzung et Evelise Millet ont été conviées à passer une semaine dans l’atelier pour faire
de la céramique. Camille Martin et moi ont été invitées à les rencontrer. De cette expérience en a découlé la mise en place d’un protocole qui a permis d’engager une discussion entre chaque protagonistes géographiquement éloignées.
Une fois les règles élaborées et partagées à toutes les participantes, le jeu peut commencer. Sur une durée donnée les échanges
se succèdent. Chaque joueuse peut s’exprimer librement à travers un texte, une citation ou un visuel et ponctue son intervention en invitant une autre personne à répondre. Cet appel induit que l’autre participante accepte l’invitation, la décline, l’esquive,
la refuse ou la renouvelle. Le protocole est une expérience ludique, il soumet à des règles qui définissent les moyens,
les contraintes et les objectif. Vous êtes invité à y jouer.




Deepee et Fyly, Hectori & Platon Qui, avec Oswald De Andrade, à propros de l'exposition Sous les racines, juin 2020

Comment le camarag Échimède Lépine est devenu le Vénérable Echimède martyr à la malléole après sa canonisation violente
lors de l'exposition de Charlottus Sauvage


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Vînt alors le soir de la grande exposition tant attendue de Charlottus Sauvage, reportée à deux reprises à cause du confinement humain puis du grand déluge de la lunrag et de l'entrée dans le cycle de la rivière. L'UNRA avait convoqué un festin pré-expog dans la prairie pour attendre le crépuscule. Les camarags arrivèrent un à un apparaissant dans l'éclat du soleil baissant et vinrent s'installer autour de la bardane sacrée.

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Vînt alors le moment de l'exposition. Dent-Pierre convoqua un premier groupe dans le kiosque et leur enjoignit de se disposer
en cercle pour effectuer le serment de l'UNRA après une lecture du principe n°1 de l'Etsefinam. Lucastor pointa alors son laser
sur la Maison d'Hector et le noble son de la corne de taureau se fit entendre dans la nuit invitant les camarags à rejoindre la Maison. Échimède s'était porté volontaire pour porter la grande lumière et guider la procession à travers la prairie. Nous passâmes
à travers des humains qui faisaient griller des animaux, écoutaient des sons étranges, mais nous restâmes imperturbables.
" Rag, les camarags! ", crièrent Charlottus, Nicheline et Philiberge depuis la Maison d'Hector qui nous accueillirent avec enthousiasmg après la grande ascension de la grande butte.
Charlottus présenta son installation où elle invitait les camarags à entrer à l'intérieur du terrier, sous les racines, sous les cavités, entre la nuit et la lumière, entre le dehors et le dedans, entre l'humain et l'animal, entre la nuit et l'inconscient, dans un seuil imprécis et flou où nous nous blotîmes bientôt.

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Tout était doux et tendre dans la Maison d'Hector où les camarags s'emmitoufflaient les uns dans les poils des autres pour écouter les douces voix de Charlottus et Nicheline leur raconter l'histoire de la rencontre entre l'humaine et la ragondine, assises sous un ACAB éclatant, avec dans les mains un gros sein caressable en faïence rouge biscuitée qui tintait doucement entre chaque voix,
et des colliers rituels autour du cou : l'un serti d'une double incisive circulaire (le souvenir d'une amie ragondine de Dordogne)
et l'autre d'une mèche de cheveu de Charlottus (le souvenir d'un cadeau déposé). Deux humains très joyeux ne virent pas la lumière dans la Maison et s'élancèrent à l'assaut de la butte en criant leur enthousiasme dans la nuit. Ils ne virent pas non plus les camarags emmitouflés ni n'entendirent les voix lisant / Rappelons que depuis que les camarags ont mis leurs mains dans la dive argile,
les humains ne les voient plus (voir chapitre précédent)/. L'histoire termineg, les camarags montèrent contempler le gros pied sculpté, pièce maîtresse de l'expog. Nous vous entendons déjà: " Mais qu'est-ce que tout cela à donc à voir avec le titre de ce chapitre ? Il est où Échimède ? ". Patience, patience, camarags. Vous allez bientôt le savoir.

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Le pied trônait au centre du premier étage, au sol, serti d'une bougie.

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Nous ne savons pas ce qu'il se passa au moment où Echimède vit le pied. Nous ne savons pas ce qu'il se passa au moment où le pied vit Échimède. Nous ne le saurons probablement jamais. Ce que l'on sait, c'est qu'Échimède rencontra le pied, vit sa lumière et se jeta dans le tobog poussé par une force intérieure farfelue. Et oubliant le présage de la lumière qui l'avait fait porter la torche et guider la procession, sans s'y attendre, il passa de la lumière à la nuit à la lumière et fut canonisé en moins d'une seconde, atterrissant les fesses dans les copeaux et la malléole tordue.
" Wesh, la transfiguration du tabou en totem! ", se gaussa Oswald de Andrade qui avait vu le coup venir en scrutant les interactions d'Échimède avec la lumière. Comme un bouffon dans la prairie, il chantait: "De la torche à la bougie, de la procession au pied sculpté, Échimède tu es allé / dans le tube tu t'es lancé Ô Échimède roi des entrailles / et canonisé tu es sorti Ô Échimède prince
des nuits / le pied en feu tu es sorti, roi de la tripaille / et canonisé tu es ici, prince de la glisserie".
Pendant que le deuxième groupe procédait au rituel, que Ragondemine foutait le bordel dans le serment ❤, que les camarags
se blottissaient dans la tente bleue de Charlottus et s'enduisaient de baume de Calendula cueilli dans les prairies en écoutant le collage sonore d'une nuit en Dordogne de son amie Anaïs Nisimov, Échimède marchait le pied en feu dans la prairie pour rejoindre la bardane et la dive argile.


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" La seule façon d'éteindre la flamme de ton podofeu, c'est d'aller souffler sur la bougie du pied sculpté, alors tu redeviendras plus rag que rag, plus tabou que tabou et la lumière qui t'a perdu te rendra à la nuit ", lui dit en pensée Moustache Queue qui en savait long sur les rituels iconoclasses.

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